Mars-Allah, le port de Dieu…
Un article bien écrit, selon les personnes qui s’y entendent, devrait conserver un ton impersonnel, en évitant la première personne et les jugements subjectifs non fondés. Je n’écris pas d’articles bien écrits, j’écris quelque chose de lisible en suivant un fil de narration volontairement un peu chaotique.
Cette année la ville de Marsala a été élue « Ville Européenne du Vin », et du 5 au 7 juillet s’est déroulé Marsalawine, un événement dédié au vin sicilien, organisé par la Commune de Marsala, en collaboration avec l’Irvos, et le département des Politiques Agricoles. Je suis venue, j’ai vu, j’ai bu et je suis tombée amoureuse, ou plutôt venue, vu, tombée amoureuse, et bu pour oublier.
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Premier jour:
Marsala – Mars-Allah, c’est-à-dire le port de Dieu, comment je ne pourrais pas tomber follement amoureuse d’une ville avec des racines aussi profondes dans la culture arabe, du soleil et du vin? Curieux oxymore substantiel, « Mars-Allah » est également le nom d’un vin fortifié, le Marsala, qui se rapproche du Sherry du sud de l’Espagne, ou du Oporto et Madeira au Portugal.
Si les grands vins fortifiés sont produits aux différents confins du 38ème parallèle, il est important de savoir que la Province de Trapani est l’unique endroit en Sicile à avoir connu une influence sicilienne, avec l’île de Motyé, unique grande cité-état. Selon les historiens, les Phéniciens jetèrent également l’ancre en Andalousie, à Porto et Madère, sans oublier la Sardaigne, et bien entendu le Liban.
Le Marsala est avant tout un vin qu’il faut comprendre, fils de la générosité de l’homme, que l’on produit, au-delà de sa propre vie, pour les générations futures. On pourrait presque le définir comme un vin immortel.
La première soirée au Marsala Wine a débuté ainsi, littéralement enivrée par une dégustation de vieux millésimes de Marsala, dirigée par Franco Rodriguez, œnologue génial de l’ « enoteca » Garibaldi et délégué AIS de Palerme, narrateur infatigable d’histoires extraordinaires, un barde de la Grèce Antique qui nous raconte ce 8 Marsala.
8 Marsala différents rentrent en contact avec mes papilles, l’un d’entre eux n’est autre que le Marsala Superiore Doc Riserva semisecco 1987 de De Bartoli. Il glisse dans ma bouche en laissant un imaginaire peu commun de chocolat fondant, suivent d’autres qui se laissent bercer par l’élégance et l’opulence du De Bartoli, puis le réveil survient avec un Marsala Superiore Doc Riserva 1952 de la cave Florio. C’est l’année de naissance de mon beau-père, professeur d’Histoire, amoureux de la Sicile.
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Musita en arabe signifie Mosquée. Musita est aussi la montagne qui se trouve juste derrière la ville de Salemi. Musita est enfin la cave vinicole de la famille Ardagna, qui nous on proposé un superbe buffet à base de produits typiques de la région, dont mes deux plats préférés: Caponata et Peperonata! Ancienne cave coopérative, dont la structure étonnante est modelée par les différentes cuves, elle fut rachetée et restructurée par cette famille Ardagna, avec un projet commun pour la père, la mère, les enfants, les frères et soeurs, et les cousins: redonner à la cave sa splendeur d’antan, grâce notamment à la récupération et remise en état d’équipements de vinification de seconde main. La volonté de cette entreprise agricole est celle de continuer à produire des variétés autochtones. La région est vallonnée, presque montagneuse, et le sol est particulièrement salé. Mattia Filippi, l’oenologue-consultant de Musita, avec son accent de Trente qui ne passe pas inaperçu en Sicile, nous explique quel es vignes de Chardonnay ont été placées à deux endroits différents, une zone basse et argileuse, et une autre zone au pied du temple grec de Ségeste. Le Grillo, fils de l’amour entre le Muscat d’Alexandrie et le Cataratto, se fait caresser par le soleil sicilien en altitude, qui en extrait la finesse et la fraicheur. Le Cataratto est une variété très ancienne, dont les premières traces remontent en ces lieux à 1636. Malgré une traversée du désert pendant tout le XXème siècle, ce cépage connait une nouvelle jeunesse en ce début de XXIème siècle. Une attention toute particulière est apportée aux “vieilles vignes”, car comme le dit l’expression italienne “gallina vecchia fa buon brodo” (les vieilles poules font de bon bouillons), on peut affirmer que les “vieilles vignes font du bon vin”. La récolte des raisins se fait exclusivement en cagettes, puis sont délicatement pressés à une température rigoureusement contrôlée. Le Nero d’Avola et la Syrah constituent la pointe de diamant pour les rouges. Le résultat est un nectar long, profond, du coup peut-être peu sicilien. La production totale de Musita est d’environ 100.000 bouteilles, pour une superficie des vignes d’environ 30 hectares. Aux temps de la cave coopérative, la production était de 280.000 bouteilles.
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Suite à la visite de Musita me vient une question spontanée: pourquoi cultiver des cépages internationaux en Sicile? Il y a encore peu la demande du marché imposait son diktat, même à l’offre vinicole sicilienne, or les dynamiques bougent. Il semblerait que le territoire soit en mesure de se mettre en compétition avec le marché. Comme vous le savez,, tout changement radical n’est pas forcément une nuisance. Par exemple, l’été 2012 fut l’un des plus chauds depuis 30 ans en Sicile. Et Mattia Filippi nous explique que les variétés autochtones ont mieux résisté aux fortes chaleurs et à la sécheresse que les cépages internationaux. Pour le millésime 2013 en revanche, on s’attend à l’été le plus frais depuis 50 ans…