Cette province du Nord-Est de l’Italie aux confins de la région Frioul-Vénétie- Julienne, arrosée par le fleuve Isonzo, à la frontière de l’actuelle Slovénie a connu une histoire riche d’influences et d’échanges mais aussi de concurrences et d’affrontements.

La plaine du Pô vient s’achever aux pieds des Alpes qui arrivent jusqu’à la mer Adriatique avec le plateau du Karst. La variété des paysages, plaine littorale, collines et montagnes alpines ainsi qu’un climat méditerranéen tempéré par l’altitude, contribuent à la richesse naturelle et à l’ancienneté du peuplement.

Les différents noms de la ville de Gorizia en italien, Görz en allemand, Gorica en slovène ou Gurizia en frioulan illustrent la diversité des influences.

Au nord, Cividale del Friuli est l’antique Forum Julii établit par Jules César en 50 avant Jésus-Christ alors proconsul de la Gaule cisalpine. Ce poste aux frontières de la république romaine donnera son nom à la région du Frioul.

Plus au sud, Aquileia fut fondée en 181 avant Jésus-Christ avec l’apport de trois mille fantassins ainsi que de cavaliers qui s’y établirent. Ils surveillaient l’Istrie voisine encore insoumise. Durant le règne d’Auguste elle est proclamée capitale de la Xe région d’Italie « Venetia et Histria ». C’est une ville splendide et très peuplée, une « seconde Rome » dans une position stratégique de carrefour. On est au nord au débouché de la route des Alpes (route de l’ambre), vers l’est, on part vers la Pannonie, la plaine du Danube et les provinces illyriennes, au sud c’est le port et le débouché sur l’Adriatique. Nous sommes sur une plaque tournante du commerce entre la Méditerranée et les zones rhénano-danubiennes, et nous y sommes toujours. Au IVe siècle, avec l’Edit de Milan en 313, le christianisme s’implante librement et Aquileia sera un siège patriarcal jusqu’au XVe siècle. Il en reste une basilique byzantine avec des mosaïques. La chute de l’Empire romain et du pouvoir central sous la poussée des invasions germaniques (ici les Huns et les Avars) entraine la constitution de petites principautés avec des seigneurs locaux.

Au cours du Moyen-âge deux puissances vont s’intéresser à la région, la République de Venise avec son empire thalassocratique et la maison de Habsbourg, c’est-à-dire le Saint empire romain germanique. Ainsi Cividale del Friuli passe en 1509 sous la domination de la Sérénissime. Au sud la ville de Palmonova fondée le 7 octobre 1593 par le Surintendant de la République de Venise est une magnifique forteresse en étoile à neuf branches et au plan géométrique avec une place centrale. L’architecte Vincenzo Scamozzi, célèbre pour avoir terminé le travail du Palladio à la villa Rotonda et au théâtre Olympique de Vincenza, dresse les plans de la place forte. En revanche la ville de Gorizia qui apparait vers l’an Mille sous l’empereur Otton III, d’abord gouvernée par des comtes locaux passe ensuite aux mains des Habsbourg en 1500 jusqu’en 1918. Ainsi durant quatre siècles l’empire autrichien influence l’évolution politique, sociale et culturelle de la région. Des incursions turques seront également à redouter. Le port de Trieste sera le grand débouché maritime et la base de la flotte de guerre de l’empire d’Autriche.

Les guerres de la Révolution et de l’Empire vont encore modifier les zones d’influences. La présence française à travers le royaume d’Italie et les provinces illyriennes sera sans lendemain. Par contre on assiste à la disparition de la République de Venise en 1797 et au triomphe de l’Autriche au traité de Vienne en 1815. La Vénétie est rattachée à l’Empire. Ainsi le roi de France Charles X est mort en exil dans l’actuelle partie slovène de Gorizia en 1836.

Le XIXe siècle est marqué comme dans le reste de l’Italie par le réveil des peuples et des nationalités. Les guerres du Risorgimento aboutissent en 1866 à l’entrée de la Vénétie dans le royaume d’Italie. A la même époque on assiste au réveil national slovène à la fois culturel avec des salles de lecture et politique avec le rassemblement du Grand Tabor.

Le front de la Première Guerre mondiale suit la vallée de l’Isonzo qui sera le cadre de très durs combats de 1915 à 1918. L’armée italienne n’est pas arrivée à percer le front autrichien et à conquérir Trieste. Les troupes austro-hongroises étaient solidement retranchées dans la montagne où tout un réseau de tunnels et de casemates comme au Mont Sabotin à l’est de Gorizia en Slovénie assurait la défense.

Pire en octobre 1917 avec l’aide de régiments allemands l’offensive bouscule les armées italiennes vaincues à Caporetto. Elles se replient de cent kilomètres jusqu’au fleuve Piave où se jouera le sort de la patrie. Finalement la contre offensive d’octobre 1918 à Vittorio-Veneto repousse les Autrichiens qui signent le 4 novembre 1918 un armistice. L’Italie va s’agrandir de la région de Gorizia, de l’Istrie avec Trieste et même Fiume (Rijeka en croate) lieu d’une éphémère république avec Gabriele D’Annunzio.

Sous le régime fasciste une intense politique d’italianisation exaspère la population slovène. En 1943, à la chute de Mussolini des dirigeants compromis avec le régime fasciste sont massacrés. Plus grave en 1945 on assiste sous l’autorité de Tito à une véritable épuration ethnique des Italiens de l’Istrie. Des milliers de personnes sont précipitées dans les puits naturels du relief karstique, les foibe (terme frioulan dérivé du latin fovea, fossé, cavité).

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie de Tito s’empare de l’Istrie. Le rideau de fer s’installe sur cette frontière. Ainsi la ville de Gorizia est coupée en deux, la vieille ville est en Italie et une nouvelle cité Nova-Gorizia voit le jour en Yougoslavie sans beaucoup de succès.


Mais l’histoire n’est pas terminée. Avec la chute du communisme en 1989 et l’éclatement de la Yougoslavie, c’est un nouvel Etat, la Slovénie et plus au sud la Croatie qui naissent aux frontières. Nous sommes désormais dans une ère de paix et e coopération. La Slovénie est entrée dans l’Union Européenne en 2004 puis dans l’espace Schengen en 2007. Les frontières tant de fois disputées sont à nouveau perméables et ouvertes et les échanges peuvent se faire librement.


Nous revenons à une culture européenne de la Mitteleuropa avec la richesse de ses diversités culturelles.