Le Maroc, cette pointe à l’extrême ouest de l’Afrique du Nord, ce regard fier tourné vers l’océan et son horizon sans fin, a également une longue histoire avec la culture du vin, une histoire intimement liée au peuple Phénicien pour ses origines, et au Protectorat Français de 1912 à 1956 pour l’époque moderne. Au printemps dernier, nous avons finalement fait nos bagages pour nous rendre sur place et comprendre un peu mieux ce pays à la fois si proche et si lointain :
Nous installons notre camps de base à Casablanca, capitale économique du pays mais également coeur géographique des régions vinicoles au Maroc. Nous logeons dans la maison d’un photographe français né dans ce pays, Michel Teuler, qui a su préserver ce havre de paix de l’urbanisme galopant :
Notre hôte nous reçoit avec une “Terres Blanches” de la Ferme Rouge, un sauvignon blanc rafraichissant après notre voyage. Le décor de ce séjour était planté !
A Casablanca, il n’est pas si aisé en apparence de trouver sur les échoppes la boisson de Bacchus. Et durant la période du Ramadan, cette question devient même tabou. Pourtant, les Marocains consomment presque de l’intégralité de leur production de vin, soit tout de même 40 millions de bouteilles par an, ce qui fait du Maroc le deuxième grand producteur vinicole dans le monde arabe.




Alors nous nous faisons ce petit plaisir légèrement “cliché” le premier soir, en allant diner en bord de mer au Rick’s Café , qui reprend l’imaginaire du film Casablanca.



Un vin nous intrigue sur la carte, il s’appelle Le Val d’Argan, un millésime 2013 à base de Roussanne, vinifié et élevé en fût de chêne, donnant à ce blanc parfumé du corps et de la structure. Les vignes et la cave se trouvent en effet dans le Souss (région d’Essaouira), entourés d’arganiers dont sont extraits la fameuse huile d’argan marocaine.
Le lendemain matin nous quittons la mégalopole marocaine pour aller prendre un peu l’air dans les vastes étendues près de Ben Slimane. En effet en 1923, une société belge s’y installa, pour créer un domaine viticole. La première vendange eut lieu en 1927. C’était le début de la viticulture moderne marocaine. Ce domaine est désormais la propriété de Thalvin-Ebertec et porte le nom des Ouled Thaleb.





L’oenologue Stéphane Mariot nous organise une dégustation représentative des différents produits de la cave, qui possède une gamme à la fois complète et diversifiée :
Pour débuter, la gamme “Médaillon” propose aussi bien en blanc, gris, rosé et rouge du fruit et de la fraicheur, des vins de plaisir et facile d’accès. La gamme “S de Siroua” tire elle son épingle du jeu par son élégance et la délicatesse de ses arômes. Djebel Siroua est un haut et très vaste volcan entre le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas, qui culmine à 3 304 m d’altitude. A son image, le vin est une expression plus stricte, radicale et minérale du terroir. Enfin les bouteilles de la gamme “Aït Souala” sont des vins de garde produits à partir de vieilles vignes. Le rouge est élevé durant 24 mois, dont 1/3 en barrique. Son assemblage est original mais profondément ancré dans le terroir méditerranéen avec les cépages Tannat, Malbec et Arinarnoa.
Pour nous remettre de nos émotions organoléptiques, mais également pour échapper un temps soit peu à la grisaille si inhabituelle dans cette région, nous prenons la route du sud, direction Marrakech !





Nous avons été tout particulièrement époustouflé par le beauté et la sérénité qui émanent du Palais de la Bahia, un des chefs-d’œuvre de l’architecture marocaine du XIXème siècle, que l’on doit à l’architecte marocain El Mekki :





Mais il faut déjà reprendre le chemin des vignes. Les principaux vignobles marocains sont en effet situés dans les régions de Meknès, ancienne citée impériale au nord du pays (à l’opposé de Marrakech…sic). Elle sera aussi la destination finale de notre voyage. Sous l’Antiquité déjà, le grand centre de production viti-vinicole était concentré autour de Volubilis, ville berbère puis romaine à seulement quelques encablures de l’actuelle ville de Meknès. Il y subsiste encore aujourd’hui des traces de production de vin dès le VIème avant J-C.



Christophe Gribelin nous reçoit en toute simplicité au Domaine de Zouina, qui se situe au sud de Meknès sur la route qui mène aux contreforts de l’Atlas. Le Domaine de la Zouina est un vieux domaine créé par les Français au début du XXème siècle. Il a été repris en 2002 par Gérard Gribelin et Philippe Gervoson qui décidèrent de donner naissance aux marques Epicuria et Volubilia.
Nous débutons par une tournée du vignoble, qui s’étend aujourd’hui sur 115 hectares de sols argilo-calcaires gentiment bosselés au pied du Moyen Atlas. Ici la nature est reine, les vignes cohabitent avec les fleurs et la faune, les oliviers et les cyprès.




Les cépages les plus nobles y ont été plantés : syrah, cabernet-sauvignon, tempranillo pour les rouges ; chardonnay, sauvignon blanc, sauvignon gris, viognier, et vermentino pour les blancs ; caladoc, mourvèdre et marselan pour les gris et les rosés.



Et autour d’un repas “comme à la maison” composé en toute simplicité de produits frais et locaux, nous dégustons enfin les vins issus de ce magnifique terroir :



Le Volubilia Rosé 100% syrah a particulièrement bien accompagné ce repas. En effet avec sa surprenante complexité au fruité intense (amylique & fruits rouges), et sa belle longueur en bouche avec une finale sur les épices douces, il s’est montré à son aise et séduisant de l’apéritif jusqu’au fromage, en passant par nos tajines. Le choix de la polyvalence !
Enfin pour nous remercier de notre visite, Christophe nous a sorti un Chardonnay 2010 de la gamme Epicuria, seulement 4.000 bouteilles élevées en barrique pendant 10 mois, une pure gourmandise…
A quelques kilomètres du Domaine de Zouina se trouve également le Château Roslane, mais trop tard, à notre arrivée les portes étaient déjà closes. Ce sera pour une autre fois, un autre voyage. La viticulture marocaine nous a surprise par sa richesse et diversité, elle nous a pris de court et nous laisse au final ce goût acidulé de l’aventure inachevée. Il nous faudra revenir, c’est sûr, poursuivre cette longue route des vins du Maroc !