La fin d’année est souvent l’occasion pour les différents instituts, organisations et agences d’analyser l’activité de l’année écoulée, et d’en tirer des bilans précis, statistiques à l’appui. L’occasion aussi pour nous de revenir sur quelques gros titres qui ont fait l’année 2015 dans le monde du vin, et de profiter de cette prise de recul sur les chiffres pour pouvoir les confirmer, les infirmer ou du moins apporter des nuances.
1/ En 2015, l’Italie devient le 1er producteur de vin au monde, devant la France !
C’est VRAI en volume : la production de vin dans le monde a été dominée en 2015 par l’Italie (18%), suivi de la France (17%) et l’Espagne (13%). Ils représentent à eux trois 48% de la production mondiale (source: éléments de conjoncture vitivinicole, OIV, 2015). Mais l’Espagne est le seul producteur (sur les trois premiers) à avoir vu sa production viticole augmenter sur les 50 dernières années, et cette domination s’inscrit dans une baisse régulière de la part de la production européenne par rapport à une production mondiale qui s’est intensifiée et concentrée autour de nouveaux acteurs majeurs (E-U, Chine, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili, Afrique du Sud).
C’est FAUX en valeur : entre 2003 et 2013, les surfaces récoltées de l’Italie baissent plus fortement (-20%) que celles de la France (-12%), tandis que sur la même période les rendements ont augmenté légèrement en Italie (+2%) et connu une croissance négative en France (-8%) (source: FAO). Ainsi à l’image du ratio de qualité (exportations en valeur / exportations en volume), la France (ratio de 7) reste le mieux positionné qualitativement, suivi de l’Italie (3,3) et de l’Espagne (1,5).
2/ En 2015, la Chine devient le 2ème vignoble au monde, derrière l’Europe !
C’est VRAI pour la récolte de raisins : effectivement l’Asie (principalement la Chine) d’après le graphique ci-dessous obtient désormais le deuxième % dans le monde en terme de superficie récoltée, derrière l’Europe :
C’est FAUX pour la production de vin : mais si nous revenons au graphique n°5 montré précédemment, nous nous apercevons que la Chine reste encore un producteur de vin relativement mineur par rapport aux principaux acteurs. D’où vient donc cette distorsion par rapport à la récolte de raisin? Tout simplement du fait qu’une grande part de ces raisins chinois n’est pas destinée aujourd’hui à la production de vin (raisin de table, alcool fort, etc.). En outre un vin en Chine est considéré comme chinois si la part de production issue du terroir chinois atteint les…10% de la bouteille. Donc là encore la production chinoise serait à relativiser en retranchant un % sur chacune des bouteilles “chinoises” vendues. Lorsque les nouvelles vignes plantées spécifiquement pour le vin ces dernières années en Chine seront arrivées à maturité pour être vendangées, alors les vignes chinoises pourront acquérir une première forme de légitimité, mais d’ici là le titre de 2ème vignoble au monde est largement usurpé !
3/ En 2015, chaque français consomme encore en moyenne 43 litres de vin dans l’année !
C’est VRAI pour la COFACE : dans son panorama sectoriel de décembre 2015, elle indique que le pays reste le premier consommateur de vin par habitant au monde (43,8 litres par an, contre 28,3 pour l’UE des 15), mais nous sommes sur une tendance à la baisse durable. Entre 2003 et 2013, la consommation français a déjà été réduite de 17%, d’où la conclusion de FranceAgrimer (octobre 2015) sur la consommation de vin en France: “le vin est passé d’une composante de repas à une boisson culturelle“.
C’est FAUX pour Bernard Burtschy (Journaliste Figaro Vin) : il indique que le chiffre de 43l. par habitant et par an en France est obtenu par simple ratio entre la quantité de vin vendu en France et la population française en âge de boire. Or ce ratio simpliste ne prend pas en compte les touristes (plus de 80 millions en 2015) qui consomment ou achètent du vin sur le territoire français, ni les achats de français qui seront ensuite offerts et consommés à l’étranger. Et en tenant compte de ces deux variables, la même étude FranceAgrimer admet que la consommation moyenne de vin par habitant en France tombe à 33l/an, soit finalement assez proche de la moyenne européenne.
4/ En 2015, Les ventes de vins (notamment français) en Chine se sont effondrées du fait de la lutte contre la corruption (cadeaux) dans le pays !
C’est tout simplement FAUX : Même s’il est vrai que de manière ponctuelle, certains Grands Crus bien déterminés ont pu connaitre une baisse de leurs ventes en Chine en 2014 du fait de l’arrêt brutal de ces achats ostentatoires, il n’en reste pas moins que la tendance de fond des principaux exportateurs de vin vers la Chine est toujours une croissance continue, avec une place encore privilégiée pour les vins français :
Ainsi les importations de vins en provenance de La France-Italie-Espagne en Chine représentent 64% des importations totale du pays en valeur (43% rien que pour la France) et 44% en volume (33% rien que pour la France). Et entre 2008 et 2014 la France à remporté 50% de la croissance des importations de vin en Chine. Si le marché se normalise depuis 2014 et devient ainsi plus concurrentiel, la consommation de vin se démocratise également avec la baisse du prix moyen. Par ailleurs le gouvernement chinois encourage désormais la consommation de vins “tranquilles”, à plus faible teneur en alcool que les produits habituellement consommés comme l’alcool de riz. Au final la Chine devrait rejoindre les Etats-Unis à l’horizon 2027 comme premier pays consommateur de vin au monde !
5/ En 2015, chaque personne en âge de consommer en France a acheté au moins une fois dans sa vie du vin sur Internet !
On garde espoir, mais c’est encore FAUX : d’après le baromètre SOWINE / SSI 2015, seulement 30% des français déclarent avoir deja acheté au moins une fois du vin sur internet, même si la progression est significative depuis 2 ans :
Un peu plus inquiétant en revanche sur les capacité de communication en ligne des producteurs, 27% des français interrogés dans cette même étude déclarent n’avoir pas acheté de vin sur Internet car il n’y ont tout simplement jamais pensé. Il est vrai que ce chiffre est à rapprocher de la légère fracture numérique qui existe encore en France, (en 2014, 82 % des Français âgés de 12 ans et plus ont accès à Internet à leur domicile – source : étude Crédoc), pour autant la présence digitale dans le secteur du vin devient plus que jamais primordiale pour se faire une place dans les habitudes modernes de consommation des français !
LE JOURNAL À BORD DU VIN PARFAIT 