Vous avais-je déjà raconté que j’étais petit-fils de boucher ? Sans doute pas, car je n’en ai pris réellement conscience qu’au dernier diner de famille, lorsque mon père nous a montré l’album-photo de la boucherie de Lucenay-les-Aix. A son apogée au coeur des années 60, elle était représentative d’une époque où les petits commerces étaient encore florissants dans les villages et participaient pleinement à la vie de la communauté, où la fête du village devenait prétexte à un concours de créativité pour chacune des vitrines, et enfin une époque où on avait une relation plus directe et décomplexée avec la nourriture que l’on mangeait.



Qui oserait aujourd’hui représenter dans sa vitrine un cadavre de cochon dans une position humaine en train de jouer du saxophone ? Sauf qu’à l’époque, chacun avait déjà assisté ou participé à la “mise-à-mort” d’un animal pour le mettre dans son assiette. Cette promiscuité entre l’homme et l’animal scellait un pacte entre eux, dans lequel chacun connaissait précisément son rôle et sa finalité dans la société. De fait la mort de l’animal n’était pas cachée, elle était communément acceptée et considérée comme naturelle dans le cycle de la vie. Cette mise-en-scène peut dans ce contexte être assimilée à un dernier hommage rendu par l’homme à l’animal, qui lui assure par sa disparition sa subsistance. Et avec une légèreté et simplicité qui nous fait grandement défaut aujourd’hui.




Mais revenons à nos moutons, nous avions rendez-vous en cette veille d’été chez Viande & Chef en compagnie de Benjamin Darnaud. C’est ainsi que soudainement, ces évocations de la boucherie à l’ancienne me sont revenus, notamment ce papier à carreaux rose et blanc qui servait littéralement à “emmailloter” la viande pour le client, un travail d’ailleurs souvent dévolu à la femme du boucher. Benjamin a remis au goût du jour notre relation traditionnelle avec la viande: « Je me suis rendu compte à quel point la proximité avec les produits était importante. J’ai appris comment les respecter, les traiter, les toucher. Comment y mettre la dernière touche ». Il sélectionne à présent avec des éleveurs aux 4 coins de la France le bon troupeau, la bonne bête, il l’apprivoise, apprend à la connaitre, et choisit précisément le meilleur moment. Le vigneron ne fait-il pas la même chose avec ses vignes et cépages? Si 90% de la qualité d’un vin se fait à la vigne, il en va de même pour la qualité de votre pièce de boucher. Allez voir ce qui se passe dans le champ !



Nous avons retrouvé aux côtés de Benjamin un autre amoureux des bonnes et belles choses, Charles Philipponnat, dernier héritier en date des créateurs de Champagne à Mareuil-sur-Ay. Dans la cave Philipponnat, on cultive en particulier l’art du Pinot Noir ! Il apporte une corpulence et intensité aromatique qui font des Champagne rosés de cette maison des vins complexes, structurés et puissants. Royale Réserve Rosé, 1522 Rosé et Clos des Goisses Juste Rosé, 3 cuvées rosées qui vont aller puiser dans cette force de caractère la capacité de se marier avec “grasse” et délice avec les recettes de boucherie & charcuterie proposées par Viande & Chef : gravlax de veaux, jambon cuis basque, saucisse embossées, agneau de présalé… “tout est bon dans le cochon” avec le Champagne rosé Philipponnat 🙂



Grâce à un travail fin sur les tannins, et un passage sous bois apportant une contraction tannique supplémentaire, ces Champagnes rosé gardent à la fois la fraicheur, tension, et excitation nécessaires pour tenir tête à ces majestueuses pièces de boucher sanguines et juteuses. Sur le ring des accords, la virilité de ces Champagnes vient équilibrer le gras des charcuteries. Au final le match est très agréable, et même de manière surprenante doux et onctueux !
Pour finir en apothéose cette dégustation, Charles Philipponnat nous a ouvert son petit secret, un 100% pinot noir issu de la cuve du Clois des Goisses rosé, et vinifié en vin tranquille. Fruité et gouleyant, ce coteaux champenois revient aux sources de la Champagne, c’est en effet ce genre de vin tranquille, proche aux vins bourguignons de Volnay, qui a fait la réputation de la Champagne et de Dom Pérignon à ses origines.
Enfin le dernier avantage d’avoir organisé cette dégustation dans une boucherie, c’est de connaitre à présent le poids exact d’une bouteille de Champagne Philipponnat. Elle a d’ailleurs connu une cure d’amaigrissement l’année dernière pour réduire son impact environnemental, tant au niveau de la production, du transport et du recyclage. Décidément ce Champagne rosé Philipponnat n’est pas seulement sanguin, il est aussi très vert. Alors Santé !